À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, nous souhaitions mettre en lumière un portrait d’agricultrice inspirante parmi nos clientes. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous présenter Adeline Canac, une figure emblématique de l’entrepreneuriat et de l’engagement dans le secteur agricole Aveyronnais.

Racontez-nous votre parcours

Vous êtes un véritable couteau suisse. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à embrasser autant de responsabilités ?

Adeline Canac :

Fille puis femme d’éleveur, après un parcours professionnel dans la comptabilité, à 38 ans, j’ai choisi de m’installer sur l’exploitation de mon mari. L’engagement, pour moi, c’est vital, côtoyer des profils différents, c’est si enrichissant. Après 15 années d’engagement dans le milieu associatif en éducation populaire, j’ai choisi de donner du temps à l’agriculture. J’ai des convictions peut-être un peu « has been » mais je les assume.
Trois maîtres mots : engagement valeurs + travail basé sur le respect des autres.

Présentation de vos activités et de votre exploitation

Vous êtes éleveuse d’ovins laitiers, gérez une unité de méthanisation, êtes à la tête d’un salon professionnel dédié à la brebis laitière, présidente de l’Association des agriculteurs méthaniseurs d’Occitanie (AAMF Occi), et vice-présidente de la chambre d’agriculture de l’Aveyron.
Comment parvenez-vous à jongler entre toutes ces activités ?

Adeline Canac :

J’ai choisi de ne pas me représenter à la chambre d’agriculture afin de me recentrer sur l’activité de la méthanisation où mes engagements nationaux et régionaux répondent à mes convictions. Des agriculteurs méthaniseurs engagés comme moi et qui ont la fibre du partage.

Pour le salon Provinlait en effet, je me suis levée un matin avec cette idée où dans le 1er bassin de France en nombre de brebis et d’exploitations, un salon avait sa place. Nous préparons d’ores et déjà la 3e édition et sommes fier du travail accompli et de la notoriété qu’a désormais ce salon représentant une petite filière d’élevage. L’organisation et la motivation me permettent de m’investir sur ces différents projets avec mes côtés des équipes qui partagent ces valeurs.

adeline-canac-fondatrice-salon-provinlait
Notre ingénieure énergétique et thermique sur le salon provinlait
Notre ingénieure d’études (et manager) Camille Huyette sur Provinlait en 2024, qui étudie également des pistes d’économies pour Me Canac.

Votre rôle au sein de la communauté méthanisation

Vous êtes une actrice influente dans la transition énergétique agricole de votre région, notamment grâce à votre unité de méthanisation.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les chiffres clés de cette unité et sur les ambitions de vos pairs au sein de l’AAMF ?

Adeline Canac :

Notre unité de méthanisation en cogénération produit du biogaz grâce à 85 % d’intrants agricoles : des effluents d’élevage de 5 exploitations voisines et du lactosérum de fromagerie. Nous produisons 265 Kwh d’électricité ce qui représente la consommation d’environ 250 foyers.

Notre unité a permis d’installer trois jeunes agriculteurs, dont un hors cadre familial. Notre première motivation a été de valoriser agronomiquement nos fumiers et lisiers, ce qui a permis aux exploitations agricoles d’éviter les mises aux normes.

Nos ambitions sont de développer des unités méthanisation afin de produire du biogaz indispensable dans le mix énergétique et pour tendre vers une souveraineté énergétique française.

Votre vision sur l’impact des dépenses énergétiques

Comment percevez vous l’impact des dépenses énergétiques dans le secteur agricole, et quelles solutions proposez vous pour y remédier ?

Adeline Canac :

2022 a été un choc pour les dépenses énergétiques, les charges ce qui a mis en berne nos résultats car en élevage les consommations sont importantes avec les machines à traire, tapis d’alimentation, pailleuse, tank à lait, séchoir à fourrage…

L’autoconsommation peut être une solution partielle avec le photovoltaïque, sur 6 mois de l’année et en journée. La solution non mâture à ce jour serait le stockage de l’électricité. La méthanisation est bien sur une source de production d’électricité qui pourrait convenir car elle est stable 24h/24 et 365 jours par an, pas de fluctuation de production. Seulement l’Etat n’a pas fait le choix de pérenniser ce modèle, aussi nous sommes contraints de nous adapter. La sobriété reste la meilleur façon d’alléger nos charges, pour cela des études de consommation sont possibles pour s’adapter.

Votre sensibilité à « l’agriculture de bon sens » et à la résilience

Vous parlez de « résilience », d’« autonomie énergétique », et de « bon sens paysan ».
Comment ces concepts s’intègrent-ils dans les transitions énergétiques, alimentaires, agroécologiques et technologiques que vous promouvez ?

Adeline Canac :
Les 30 glorieuses sont bien loin, aussi la résilience sur nos exploitations est primordiale, la méthanisation a répondu à cet enjeu chez nous et chez nombreux de mes confrères.

Valoriser les effluents d’élevage en évitant la lixiviation et les gaz à effet de serre afin de produire de l’énergie et un fertilisant assaini pour nos terres avec le traitement de la méthanisation est me semble-t-il issu du bon sens paysan.

Produire des cultures intermédiaires sur des sols nus entre deux cultures principales est un principe fondamental de l’agroécologie. Si nos sols sont en bonne santé, alors nous produirons des fourrages et céréales de qualité pour nos animaux. Chez nous, la méthanisation a été la solution pour développer notre élevage.

Votre implication dans la transition énergétique

Au quotidien, comment œuvrez-vous à la transition énergétique sur votre exploitation et au sein de votre communauté ?

Adeline Canac :
En 1960, le métier d’agriculteur était de produire pour nourrir les hommes et les femmes. En 2025, on a toujours le même objectif, mais avec des points de vigilance. La transition énergétique en est 1.

Nous devons produire pour satisfaire un besoin vital tout en respectant notre environnement. Pour cela, nous nous adaptons déjà depuis plus de 10 ans. Nos pratiques ont évolué, notre métier, aujourd’hui, permet l’entretien des espaces avec les cultures, les prairies, le pâturage. Nous produisons de l’énergie verte et diminuons grâce à la méthanisation les gaz à effet de serre de nos élevages.

Conseils aux entrepreneurs agriculteurs

Adeline Canac :
Pour lancer un projet, il faut déjà être bien assis sur l’exploitation. Toute diversification est énergivore aussi, il faut être organisé. Consacrer du temps à son projet est primordial.

Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui souhaitent s’engager dans des projets similaires aux vôtres ?

Échanger avec des pionniers, accepter les critiques qui font avancer. S’entourer de personnes pragmatiques et organisées.

En méthanisation, aujourd’hui dans toutes les régions une association régionale ou un représentant est disponible pour répondre à vos questions ou/et vous orienter vers les bons interlocuteurs.

Spécificités de votre région

Votre région est l’un des principaux lieux d’élevage ovin en France.
Pouvez-vous nous parler des spécificités de ce territoire et de ce qui en fait un lieu unique pour cette activité ?

Adeline Canac :
L’Aveyron est un département spécifique avec des plateaux, des rougiers, des causses, des monts et des lacs. En zone de montagne, l’élevage a du sens. Le pâturage est une pratique usuelle des éleveurs dès que le climat le permet.

La filière Ovine lait est le 1er acteur économique de notre département. Depuis 100 ans, l’AOP Roquefort tire cette filière et a permis un développement économique de ce territoire. Chez nous, seul l’élevage permet d’entretenir nos paysages permettant d’allier le tourisme vert et l’agriculture.

une cave aveyronnaise de fromages "roquefort" AOP

NOS REMERCIEMENTS

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à Mme Canac pour avoir partagé son parcours inspirant et ses réflexions avec une telle générosité. Son engagement, ses connaissances approfondies, et sa perspicacité rurale sont autant de qualités qui font d’elle un « rôle modèle » dans l’agriculture.

Au-delà de ses responsabilités multiples, Mme Canac incarne des valeurs d’engagement, de respect, et de travail déterminé qui résonnent profondément avec les nôtres. Son influence pour la transition énergétique et à l’agriculture durable est une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à faire une différence dans leurs domaines respectifs.

Merci, Mme Canac, pour votre temps, votre énergie, nous sommes honorés de pouvoir partager votre histoire.

FAQ

Qu’est-ce que la lixiviation ?

La lixiviation est le processus par lequel des substances solubles, comme les nutriments ou les polluants, sont lessivées du sol par l’eau de pluie ou d’irrigation. Dans le contexte agricole, cela peut entraîner la perte de nutriments essentiels ou la contamination des eaux souterraines.

Qu’est-ce que la méthanisation ?

La méthanisation est un processus biologique qui permet de transformer la matière organique (comme les effluents d’élevage ou les déchets agricoles) en biogaz, une source d’énergie renouvelable. Ce processus se déroule en l’absence d’oxygène et produit également un digestat, qui peut être utilisé comme fertilisant.

Qu’est-ce que l’autoconsommation énergétique ?

L’autoconsommation énergétique consiste à produire et à consommer sa propre énergie, souvent à partir de sources renouvelables comme le photovoltaïque. Cela permet de réduire la dépendance au réseau électrique traditionnel et de diminuer les coûts énergétiques.

Qu’est-ce que les cultures intermédiaires ?

Les cultures intermédiaires sont des plantes cultivées entre deux cultures principales pour améliorer la structure du sol, prévenir l’érosion, et enrichir le sol en matière organique. Elles jouent un rôle crucial dans l’agroécologie en favorisant la biodiversité et en réduisant l’utilisation d’intrants chimiques.

Qu’est-ce que le mix énergétique ?

Le mix énergétique fait référence à la combinaison de différentes sources d’énergie utilisées pour répondre aux besoins énergétiques d’un pays ou d’une région. Un mix énergétique diversifié inclut des sources renouvelables (comme l’éolien, le solaire, et le biogaz) et des sources conventionnelles (comme le pétrole, le gaz naturel, et le charbon).